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Accord avec le mercosur « Un coup dur porté à la filière européenne du sucre »

Les contingents de sucre octroyés aux pays du Mercosur, Brésil en tête, risquent de déstabiliser le marché européen du sucre, déjà soumis à de fortes turbulences. Les quotas d’éthanol à droits réduits vont rendre aussi le marché européen plus attractif pour le carburant brésilien.

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L’accord signé le 28 juin 2019 entre l’Union européenne et les pays du Mercosur est aussi un coup dur pour la filière sucrière européenne. Il prévoit en effet d’attribuer à ces pays (Brésil essentiellement, premier producteur mondial), un contingent de 180 000 t/an de sucre brut de canne, à droit zéro.

 

Ce quota fait partie des contingents dit « CXL » accordés au Brésil par l’OMC, l’Organisation mondiale du commerce, du fait de l’agrandissement successif de l’Union européenne. Ils concernaient jusqu’à maintenant 334 054 t, à 98 €/t, et 78 000 t, à 11 €/t. Les sucres spéciaux sont exclus de l’accord.

Contingent supplémentaire d’éthanol à droit réduit

Pour l’éthanol, un contingent de 650 000 t supplémentaire devrait affluer en Europe, soit 8,2 Mhl. Il correspond à 450 000 t (5,7 Mhl) d’éthanol pour l’industrie chimique, alcool de bouche… exportés à droit zéro contre 19,2 €/hl actuellement. A cela s’ajoutent 200 000 t (2,5 Mhl) d’éthanol tous usages dont carburant, avec des droits de douane réduit de deux tiers par rapport à l’existant. Le volume sera échelonné en six étapes annuelles égales. Il reste à savoir si la réduction des droits de douane sera échelonnée ou pas.

 

« Cela est susceptible de rebattre les cartes des flux d’éthanol brésilien vers l’Union européenne, analyse Nicolas Rialland, directeur de l’environnement et des affaires publiques à la CGB, Confédération générale des planteurs de betteraves. En 2018, le pays avait exporté 54 000 t d’éthanol carburant vers l'Union européenne. Avec la baisse des droits de douane, il va pouvoir doubler voire tripler ses exportations. C’est donc une menace sérieuse. »

 

« C’est un facteur certain de déstabilisation de la filière que nous sommes en train de développer en Europe, et notamment en France », renchérit Thierry Gokelaere, directeur de l’AIBS, l’Association interprofessionnelle de la betterave et du sucre.

Inquiétude pour le sucre bio

Au total, l’ensemble des contingents de l’accord avec le Mercosur représentent l’équivalent de 1,5 Mt de sucre. « Ce n’est pas rien », tempête Thierry Gokelaere, qui s’inquiète aussi du nouveau contingent de 10 000 t à droit zéro accordé au Paraguay. « Il s’agit très certainement de sucre bio, produit avec des contraintes qui ne sont pas les mêmes que dans l’Union européenne, explique-t-il. Cela va faire mal à la filière européenne du sucre bio en cours de développement. Car auparavant, ce sucre bio rentrait à droit normal soit 419 €/t (sucre blanc) !»

 

Actuellement, la production européenne de sucre bio ne dépasse pas 30 000 t, notamment en Allemagne et en Autriche. La France commence à s’y mettre. La consommation européenne atteint 250 000 t, donc une grande partie est importée, notamment du Paraguay.

Pire en cas de Brexit

En cas de Brexit dur, la note devrait être encore plus salée pour l’Union européenne. « Le sucre brut de canne brésilien est exporté à destination des raffineries européennes, détaille François Thaury, d’Agritel. Actuellement, dans l’Union européenne à 28, une grande partie alimente la raffinerie Tate & Lyle au Royaume-Uni. Mais en cas de « no deal », dans l’Union européenne à 27, ce sucre sera réorienté vers les raffineries du sud de l’Europe (Italie, Espagne, Portugal), ce qui devrait pénaliser la filière européenne du sucre. »

Contraintes environnementales différentes

« Ce qui nous chiffonne, c’est que l’Union européenne a des contraintes environnementales plus élevées que ces pays. On ouvre des marchés à des pays sans imposer une égalité des conditions de production. Et pour un produit comme l’éthanol, on s’attend à ce qu’il y ait aucun contrôle à ce sujet », regrette Nicolas Rialland. Notamment, le Brésil n’est pas dans une logique de restriction de molécules phytosanitaires, bien au contraire. Le gouvernement de Jair Bolsonaro a en effet autorisé depuis le début de l’année plus d’une centaine de produits dont certains sont interdits dans l’Union européenne.

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